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Les Tragédies de Racine (1)
--> Andromaque

Je suis plongée en ce moment dans les œuvres complètes de Jean Racine, avec un intense plaisir. J'apprécie énormément son sens de la langue et de la poésie, sa capacité à communiquer des émotions aussi fortes à travers une forme aussi difficile que l'alexandrin. Ses phrases sonores et rythmées sont belles en elles-mêmes, mais sont surtout au service d'une narration riche et profonde qui captive le lecteur. Tout en laissant ces vers nous pénétrer et nous fasciner, on se surprend à aimer ou à haïr un personnage, à s'identifier à l'un des protagonistes alors que la plupart de ces tragédies nous ramènent plusieurs milliers d'années en arrière. La catharsis est sans doute universelle par nature...

L'auteur :

Jean Racine est un poète tragique du XVIIe siècle, considéré avec son contemporain Corneille comme l'un des plus grands dramaturges classiques français. Il reçoit dans son enfance une solide éducation janséniste en même temps qu'une riche culture littéraire, découvrant la philosophie et les auteurs grecs et latins. Il se fait assez vite remarquer par le roi Louis XIV grâce à des odes en son honneur, et fait jouer sa première pièce par Molière à l'âge de 25 ans : La Thébaïde. Il se brouillera par la suite avec le comédien, mais c'est sa deuxième pièce (Alexandre) qui lui assure une certaine renommée.

Il continue d'écrire des tragédies dont chacune rencontre un fort succès, à commencer par Andromaque qui reste aujourd'hui encore l'une des pièces de théâtre les plus jouées de tout le répertoire français. Il produit également Les Plaideurs (sa seule comédie), puis Britannicus, Bérénice (source de sa brouille avec son rival Corneille), Bajazet et Mithridate, avant de revenir à la Grèce antique avec Iphigénie et Phèdre. C'est à la demande de Mme de Maintenon qu'il écrit ses deux dernières pièces pour les élèves de l'école de Saint-Cyr (un pensionnat pour jeunes filles) : Esther et Athalie, d'inspiration biblique.

Il restera proche du roi jusqu'à sa mort en 1699, et passera à la postérité autant pour la qualité de ses écrits que pour l'extravagance de sa vie (il aurait eu une vingtaine de maîtresses et une quinzaine d'enfants).

Son inspiration grecque :

Intéressons-nous maintenant à l'un des aspect de la tragédie qu'il a souvent exploité dans ses œuvres et à ses sources d'inspiration : les mythes de la Grèce antique. Il n'est pas rare de le voir citer dans ses préfaces des auteurs comme Sophocle et Euripide, sans oublier bien sûr Homère et Virgile, dont il reconnaît sans peine l'influence sur ses textes et la paternité de certains personnages. Il aime reprendre à son compte les bonnes idées de ses prédécesseurs, y trouvant une sorte de justification pour ses écarts et ses inventions. Il répond souvent aux reproches qu'on peut lui adresser en s'appuyant sur eux pour défendre ses décisions : tel personnage vient d'une pièce d'Eschyle, tel trait de caractère est emprunté à Astydamas, etc.

Néanmoins, on ne peut remettre en question l'originalité de ses écrits et le travail accompli, en découvrant chaque personnage étudié en profondeur et remplissant un rôle bien particulier par rapport à l'ensemble. Chaque protagoniste a un caractère spécifique dont découlent avec cohérence les actes et les choix ; il suffit de lire les préfaces de ses œuvres pour se rendre compte que Racine prévoyait tout en détails et ne laissait rien au hasard. Ajoutez à cela une verve si naturelle qu'elle en devient musicale, et surtout une catharsis poussée à l'extrême qui mêle habilement terreur et pitié en se jouant des spectateurs impuissants : vous obtenez un résultat époustouflant que l'on prend plaisir à lire autant qu'à voir jouer.

Andromaque :

Cette pièce est la plus connue de Racine, aujourd'hui comme à son époque. Il faut dire que c'est l'un des mythes grecs les plus appréciés et les plus largement transmis : liée directement à la guerre de Troie, avec ses carnages et ses exploits, c'est l'histoire intemporelle d'un carré amoureux qui exacerbe la passion humaine jusqu'à son apogée et s'achève en un dénouement funeste. Signalons également que c'est de ce texte que provient la célèbre réplique d'Oreste, parfait exemple d'allitération dans tous les manuels scolaires : "Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?" (acte V, scène 5)

Andromaque est la veuve d'Hector, prince de Troie assassiné par Achille. Elle a survécu de justesse au massacre avec son jeune fils, dernier rescapé de la lignée royale, en faisant sacrifier un autre enfant à sa place. À la fin de la guerre, le sort l'a désignée comme captive de Pyrrhus, fils d'Achille, qui l'a ramenée dans son royaume et en est tombé éperdument amoureux. Or, Pyrrhus est promis à Hermione, fille de Ménélas, prête à tout pour voir son fiancé revenir vers elle.

C'est dans ce contexte difficile, juste après une guerre dont toutes les blessures ne sont pas encore cicatrisées, que le drame éclate : le prince Oreste est mandaté par l'ensemble de la Grèce pour exiger de Pyrrhus qu'il livre l'enfant troyen, afin d'exterminer avec lui toute trace du sang d'Hector et toute possibilité de vengeance dans le futur. Oreste poursuit également un but plus personnel : il souhaite conquérir Hermione et l'inciter à partir avec lui, comptant sur l'indifférence affichée de Pyrrhus à son égard.

Malgré ses doutes et ses hésitations, Pyrrhus refuse finalement de céder : il espère séduire Andromaque en protégeant son fils. Quand celle-ci accepte enfin de l'épouser après avoir longuement résisté, en désespoir de cause, Hermione promet à son amant éconduit de le suivre s'il lui rapporte la tête du traître. Oreste tente de se rebeller contre cet infâme régicide, mais son cœur l'emporte et il exécute Pyrrhus.

Pourtant, quand il revient couvert de sang et de honte auprès de sa bien-aimée, Hermione bascule dans la folie : elle lui reproche la perte de son amour et préfère se suicider pour le retrouver dans l'au-delà. Oreste devient fou à son tour devant l'horreur de ses actes, tourmenté par le remords et l'abandon ; il ne meurt pas mais devra subir jusqu'à la fin de ses jours le châtiment des Érinyes.

Posé par Némésia dans l'étagère Théâtre

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Commentaires :

Nemesia
Nemesia
06-11-10 à 14:05

"Andromaque" à la Comédie française

Si jamais vous avez la chance de passer par Paris au cours des prochains mois, profitez-en pour aller voir cette pièce magnifique à la Comédie française, où elle est représentée jusqu'au 14 février prochain. Le spectacle en lui-même vaut le déplacement : les comédiens s'investissent à 100% dans leur rôle et nous donnent parfois la chair de poule, avec une voix très bien placée et une gestuelle intelligemment mise en scène. Pyrrhus et Oreste surtout se détachent du lot : ils nous font réellement vivre leurs répliques !

De plus, le lieu est mythique et ne fait pas mentir sa réputation : kitsch et doré à souhait, il est très impressionnant et intimidant. On se sent transportés à une autre époque, et je n'aurais pas été étonnée de voir surgir des hommes en redingote ou des femmes en robes d'autrefois.

C'est une expérience surprenante que je vous recommande, au moins pour voir l'effet que ça fait !