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Gone
--> de Michael Grant

Michael Grant n'est pas tout à fait un novice en matière de littérature pour adolescents puisque sa femme n'est autre que Katherine Applegate, l'auteure de la célèbre série des Animorphs publiée chez Gallimard à partir de 1997. Néanmoins, personne ne s'attendait à une telle entrée en fanfare dans un secteur déjà trop encombré, encore moins dans un registre fantastique qui attire de plus en plus d'écrivains et dans lequel il est difficile de se faire un nom. Michael Grant a pourtant relevé haut la main cet audacieux défi : sa série est déjà devenue un titre incontournable dans ce domaine, et semble faire partie des quelques ouvrages capables de s'inscrire dans la durée. Le succès immédiat qu'ont connu ses romans ne s'est à ce jour jamais démenti.

L'intrigue :

Il faut dire que l'idée de départ est aussi simple qu'accrocheuse, avec un slogan tout à fait approprié au public visé : "Qui n'a jamais rêvé d'un monde sans adultes ?" Effectivement, l'idée est basique mais n'en reste pas moins efficace : l'auteur imagine un bouleversement soudain dans une petite ville tranquille des États-Unis, où toutes les personnes de plus de quinze ans disparaissent un beau jour en une fraction de seconde. La première réaction des enfants restants est l'incompréhension : que s'est-il passé ? Où sont les adultes ? Personne n'a de réponse et tout le monde commence à paniquer. Mais le pire est à venir : les enfants ne tardent pas à se rendre compte qu'une espère de bulle immense et infranchissable autour de la ville les coupe complètement du monde extérieur. Un dôme opaque et mystérieux est apparu, délimitant une zone de 30 kilomètres de diamètre, dont la paroi électrifiée emprisonne les habitants et bloque tout moyen de communication.

Les enfants doivent alors se prendre en charge et s'organiser pour survivre : il faut se nourrir, s'occuper des plus petits et tout faire pour s'adapter à cette situation extraordinaire. Les choses se compliquent encore quand certains d'entre eux commencent à développer des pouvoirs surnaturels : télékinésie, force surhumaine, téléportation, etc. Les questions se multiplient. Apparemment, tout serait lié à un accident nucléaire survenu treize ans plus tôt, lors du crash d'une météorite sur la centrale de la ville.

Mais la vie en communauté n'est pas facile : les enfants n'ont pas l'habitude d'être livrés à eux-mêmes, privés de tout, et des rivalités éclatent. Des bandes adverses commencent à s'affronter, des responsables sont nommés pour régler les différents problèmes, les réserves de nourriture s'épuisent. Et il y a surtout cette chose tapie dans le désert, qui attend son heure en prenant le contrôle des esprits les plus faibles pour assouvir ses sombres desseins...

Mon avis :

Toutes les pièces du puzzle se mettent en place dans le premier volume, qui sert essentiellement d'introduction : on découvre l'univers et les personnages, on prend conscience de l'ampleur de la situation et on se laisse embarquer dans une histoire inimaginable qui fait froid dans le dos. Le problème, c'est qu'il y a beaucoup de choses à dire en trop peu de pages : du coup, les explications sont parfois bâclées et les raccourcis un peu facile. Tout va trop vite : les adultes disparaissent, des ados psychopathes veulent prendre possession de la ville, des mutants se révèlent et on frôle une catastrophe nucléaire. Je trouve dommage que toutes ces bonnes idées ne soient pas développées à fond et exploitées au maximum de leur potentiel : il aurait fallu plus de temps pour parvenir à un résultat plus abouti et davantage détaillé.

C'est sans doute un défaut habituel en littérature de jeunesse, une tendance à vouloir trop simplifier et accélérer les choses pour ne pas lasser de jeunes lecteurs. Ces derniers sont censés abandonner un livre s'il devient trop long ou trop compliqué : les auteurs privilégient donc généralement une approche plus directe et une intrigue moins sophistiquée. Le premier tome de Gone n'échappe hélas pas à la règle et nous offre quelques passages légèrement décevants, avec des personnages parfois stéréotypés : le petit autiste surpuissant mais enfermé dans son monde, la surdouée qui sait tout sur tout, le génie de l'informatique, la grosse brute qui dévoilera finalement un cœur tendre, le grand méchant charismatique... Des héros quelquefois prévisibles mais toujours attachants, avec une petite capacité d'adaptation.

Cependant, le grand atout de cette série réside dans le suspense maintenu jusqu'au bout, avec des rebondissements de dernière minute et un compte à rebours angoissant au début de chaque chapitre (d'autant plus effrayant qu'on ne sait pas tout de suite où il nous mène). L'auteur veut parfois trop en faire et tombe dans l'excès (en instaurant par exemple un lien de parenté superflu entre deux protagonistes), mais son écriture rythmée et sa manière de suivre plusieurs personnages simultanément créent une impression d'urgence dont on ne peut se délivrer qu'on lisant le chapitre suivant. On ne peut rien y faire : on doit absolument connaitre la suite et savoir ce qu'il advient de nos héros, que l'on apprend à comprendre et à apprécier au fil du temps.

Cette frénésie de lecture s'accentue dans le deuxième tome, qui se déroule dans un laps de temps plus court et corrige ainsi le défaut majeur du début, en prenant le temps d'explorer plus minutieusement chaque personnage et chaque situation. Michael Grant parvient également à se renouveler en faisant évoluer ses protagonistes et en en ajoutant d'autres, qu'il rattache habilement à l'équipe initiale. Les thèmes abordés sont aussi plus sombres et plus intéressants : si le premier volume se concentrait essentiellement sur l'incompréhension générale et la volonté de sortir d'ici coûte que coûte (impliquant quelques lenteurs dans la mise en place d'un système de survie), le deuxième se focalise sur des sujets plus diversifiés et plus matures.

Des sujets forts :

Outre la quête de nourriture qui est toujours omniprésente, on voit surgir des considérations moins pragmatiques qui peuvent inciter le lecteur à la réflexion. En parallèle des thèmes habituels que l'on peut rencontrer dans de nombreux romans (l'amour, la mort et la religion), les deux questions fondamentales sont ici la tolérance (accompagnée de son opposé, le racisme), et la responsabilité de faire ce qui est juste (surtout pour le chef). Ce petit dialogue entre le meneur et une mutante résume bien la situation :

- On ne va pas commencer avec la discrimination !
- C'est génial, ton concept. T'as l'air d'y croire. Mais moi, je suis noire et lesbienne, alors laisse-moi te donner mon avis : d'après mon expérience, il y aura toujours de la discrimination.

On y retrouve tout l'idéal incarné par le chef, qui se démène pour mener sa barque du mieux qu'il peut en s'accrochant à ses principes, et toute la frustration des enfants qui cherchent un bouc émissaire pour évacuer leur colère et leur peur. (De plus, le fait que la même fille soit à la fois noire, homosexuelle et mutante est un bon exemple des raccourcis faciles évoqués précédemment).

Le racisme divise les enfants sur une dimension complètement nouvelle : ce n'est plus sur le sexe ou la couleur de peau, mais sur les pouvoirs et la "normalité". Les simples humains commencent à s'en prendre aux "dégénérés" qu'ils voudraient bien tenir pour responsables de leurs problèmes, allant jusqu'à les tuer de sang-froid. La colère monte. Certains trahissent leurs anciens amis et changent de camp, avant de le regretter et de payer cher leurs erreurs.

D'un autre côté, on a le leader vers qui tout le monde s'est tourné pour affronter la crise, qui n'a rien demandé mais qui assume son rôle parce qu'il n'a pas le choix et qu'il faut bien que quelqu'un le fasse. Malgré son sens aigu des responsabilités, le découragement n'est jamais loin : âgé d'à peine quinze ans, il tente de porter sur ses épaules tout le fardeau de la ville et de ses habitants, soutenu seulement par une poignée d'entre eux tandis que les autres se contentent de se plaindre et de se tourner les pouces. Il ne s'est pas mis volontairement en avant et s'est contenté de faire ce qu'on attendaient de lui, en essayant d'agir pour le mieux et de prendre les bonnes décisions. Les autres se sont tournés vers lui naturellement à cause de son charisme et de son pouvoir de mutant, et il n'a pas voulu les décevoir. Mais il craque peu à peu devant l'immobilisme général et la mauvaise volonté de certains, qui s'attendent à le voir régler tous leurs problèmes en un claquement de doigts. On se rend bien compte que la place de leader n'est pas de tout repos et que c'est un poids lourd à porter.

À travers une aventure entraînante et bien ficelée, cette série nous parle donc de sujets importants que l'on rencontre au quotidien et qui méritent que l'on s'arrête quelques minutes pour y réfléchir. On prend non seulement plaisir à lire un bon roman fantastique, mais c'est aussi l'occasion de se pencher sur les travers de notre société et sur les moyens de rendre le monde meilleur. Un peu comme un savant mélange entre Sa Majesté des Mouches et Heroes orchestré par Stephen King.

Posé par Némésia dans l'étagère Jeunesse

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